
« Le tissu bogolan est littéralement fait des terres, des forêts, des rivières et du soleil maliens. »
— Kandiora Coulibaly, Groupe Bogolan Kasobane
En effet, c’est à travers la maîtrise des matériaux naturels — la boue ferreuse des lits des rivières, l’extrait de feuilles, d’écorce, et de racines, ainsi que l’intense énergie du soleil ouest-africain — que les bandes de cotton blanchâtres, finimigu, du tisserand Bambara s’imprègnent non seulement de couleur, mais de pouvoirs curatifs et protectifs.

Si puissant est ce tissu — teint dans une communion spirituelle avec la terre qui exige beaucoup de temps et de travail laborieux — que lui seul a le pouvoir et la résilience mystique de tenir les amulettes du chasseur et du guérisseur.
Le bògòlanfini et les donsow
Les chasseurs et les guérisseurs — connus collectivement sous le titre de donsow — utilisent traditionellement le pouvoir protectif du bògòlanfini lors de leurs aventures extraordinaires dans la brousse, où ils confrontent et apaisent de nombreux animaux, plantes et esprits dangereux. Il est convenable alors, étant donné leur stature unique dans la société mandé, que certains récits mythiques les placent à la creation même du tissu.
Ces bandes de cotton, cousus ensembles, teints et coupés en forme de costume traditionnel, donsofani, crée une sorte de toile continue et personnelle; une toile qui a la force de soutenir même les plus puissants des talismans, que ce soit des cauris divinatoires et benedicteurs ou le fereké, une amulette qui contrôle le nyama dont le nom veut dire ‘attelé sur’.

Couleur ocre et parfum musqué, ce tissu camoufle l’odeur et la vue du donso lorsqu’il se déplace à travers le monde occulte, menaçant et inhospitalier de la brousse, et à chaque encontre, son vêtement devient de plus en plus couvert de ronces et de griffes, de bandes de cuir brut et d’amulettes couvertes de peaux (sebenw). La toile de bogolan peut complètement disparaître derrière l’iconographie complexe et cultivée du maître donso*, comme s’il recréait sur son costume la brousse elle-même.
« A mesure que [les amulettes] augmentent, elles effacent peu à peu toute perception de l’étoffe dessous. Elles croissent de façon oblique et trouble… s’approchant finalement du concept mandé appelle dibi… que l’on peut comparer à l’obscurité et a la nuit. La brousse est un endroit de dibi, et le monde de sorcellerie est submergé dedans. »
— Patrick McNaughton
Et pourtant le bògòlanfini conserve son jayan — la clarté, la lumière et la précision universelle dans l’esthétique mandé — quand il enveloppe et protège le mogo gwansang, ou l’homme ordinaire.
Le bògòlanfini et le Mogo Gwansang
Le bogolan des gens ordinaires, facilement reconnaissable par sa palette de couleurs distincte, riche, rustique et terreuse, est souvent peinte à la main, avec des motifs abstraits communiquant une signification culturelle. Avec autant de clarté et de précision que le demande le jayan mandé, les symboles encodent une connaissance ésotérique de médecine, d’histoire et de moralité.

Virtuellement enveloppée dans la terre, la forêt, la rivière et la lumière du soleil, la jeune fille est protégée lors de sa transition a l’âge adulte; la personne ordinaire, du pouvoir spirituel imprévisible et omniprésent qui anime tout, le nyama.

Sources et lecture complémentaires
Livres et articles :
- [Anglais] Rovine, V. (2008). Bogolan: Shaping Culture Through Cloth. Bloomington, USA: Indiana University Press.
- [Anglais] McNaughton, P. R. (1982). The Shirts that Mandé Hunters Wear. African Arts, 25(3), 54-58+91. Récupéré 22 juin, 2018 de JSTOR
- [Anglais] Ferrarini, L. (March 2019). The Shirts of the Donso Hunters: Materiality and Power between Concealment and Visual Display. African Studies Review, Volume 62, Issue 1 March 2019 , pp. 76-98. Retrieved March 21, 2019 from Cambridge.org. * [Une étude récente sur la puissance du chasseur à travers une esthétique de la dissimulation, plutôt que par un excès d’amulettes, etc., dans le contexte contemporain burkinabé.]
Web :
- [Anglais] Bogolan Collection. Récupéré 22 juin, 2018 de Smithsonian National Museum of African Art.
- [Anglais] Ferrarini, L. (2012, June 10). What a Donzo Wears. Récupéré 22 juin, 2018 de Lorenzo Ferrarini.