Pilon contre mortier, hache contre bois, navette contre métier à tisser, air contre soufflets : la cadence quotidienne règle le tempo de la musique traditionnelle ouest-africaine. Et sa sensibilité particulière — ses textures polyrythmiques, ses mécanismes d’appel et de réponse, ses tonalités inattendues — ont façonné l’esthétique musicale bien au-delà de ses frontières.

Instruments ouest-africains
Le pouls d’une culture se manifeste à travers les instruments qu’elle produit et dont elle joue. Il est palpable à travers ses cordes vibrantes, ses percussions palpitantes, ses bois mélodieux, et, dans le cas de l’Afrique de l’Ouest, à travers ses rythmes croisés, ses syncopes et ses contretemps.*
La nature elle-même fournit l’amplificateur idéal : la résonnance acoustique d’une calebasse évidée intensifie les vibrations de la kora, harpe mandée à double liaison, de l’akonting, luth-banjo dioula, du goje, violon courbé à deux cordes des Haoussas, ou des xylophones Dagaaba, Sambla et Mandés appelés respectivement « gyil », « baan » et « balafon ».
La Kora

Le Balafon

Même le creux des ceps de la vigne que l’on trouve dans les hauts-plateaux du Fouta Djallon de Guinée, qui résonne naturellement, anticipe de façon intrinsèque les effets multiphoniques du tambin, une flûte du peuple peul.
Le Tambin

La tension d’une peau de chèvre ou d’antilope, étirée, chevillée et entrelacée sur une carapace de bois dur, donne le timbre et le ton d’un atumpan, tambour-parleur ashanti, d’un batá, tambour cérémoniel à deux têtes des Yoroubas, ou d’un djembé adoré par la foule [Bambara : djè, « rassembler » ; bɛɛ, « tous »].
Le rythme des tambours

On peut ensuite discerner le tintement d’un alounloun béninois, un bâton de fer muni de bagues métalliques, les secousses d’un shekere yorouba, gourde couverte de cauris, ou le carillonnement de la cloche gankogui des Éwés. Sanglés aux chevilles, saisis à poings fermés — raclés, heurtés, estampés ou ébranlés — les hochets, les claquettes, les gongs et les cloches† de l’Afrique de l’Ouest ajoutent des couches élaborées aux « motifs rythmiques contraires qui représentent le filet complexe de la vie elle-même. » [2]
Gankogui

C’est bien en effet la vie qui vibre avec des rythmes contradictoires. Les accents métriques inattendus de la musique ouest-africaine et les instruments et les voix caractéristiques qui les créent, ne font qu’amplifier ce fait, comme de puissantes caisses de résonnance transgénérationnelles.
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*La syncope distinctive de la musique ouest-africaine déplace l’accent normal pour souligner de manière inattendue une mesure typiquement inaccentuée.
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†[Vidéo] Cloches, de la forge au festival. Voir notre article sur les forgerons.
De la nature intégrale du rythme à la voix résonnante du griot, nos articles suivants explorent plus profondément certaines dimensions de la musique ouest-africaine :
Sources et lectures complémentaires
- [1]« Enregistrés et échantillonnés, les sons de l’Afrique de l’Ouest traditionnelle ». In : Native Instruments [En ligne]. [s.l.] : [s.n.], [s.d.]. Disponible sur : < https://www.native-instruments.com/en/products/komplete/world/west-africa/ >
- [2]Peñalosa D., Greenwood P. The Clave Matrix: Afro-Cuban Rhythm: Its Principles and African Origins. Redway, CA, USA : Bembe Books, 2012.